Mon interview du Dr Bourdua-Roy

Il y a quelques semaine, mon Ă©diteur m’a proposĂ© de m’envoyer le tout dernier livre de leur collection sur les alimentations rĂ©duites en glucides, le livre « Inverser le surpoids et le diabĂšte avec le protocole cĂ©togĂšne REVERSA », du Dr Evelyne Bourdua-Roy.

Je ne vous cache pas mon enthousiasme : je suis avec grand intĂ©rĂȘt les travaux du Dr Bourdua-Roy qui a fondĂ© en 2016 la clinique REVERSA au QuĂ©bec. Au sein de cette clinique, ce mĂ©decin de famille qui a dĂ©couvert l’alimentation Ă  titre personnel avant de l’étudier auprĂšs de Jason Fung, applique l’alimentation cĂ©togĂšne dans le cadre d’un protocole qui lui permet de guĂ©rir les patients atteints de maladies mĂ©taboliques, diabĂšte, obĂ©sitĂ©, mais Ă©galement hypertension, gouttes, migraines et autres maladies chronique.

J’ai donc dĂ©vorĂ© avec grand intĂ©rĂȘt son livre qui propose une approche pragmatique et efficace de son protocole, avec des fondations scientifiques indĂ©niable mais tout en restant accessible au plus grand nombre. Elle y explique comment modifier son alimentation pour adopter un rĂ©gime cĂ©togĂšne, avec quelques plans de menus pour dĂ©marrer, elle revient sur l’intĂ©rĂȘt du jeĂ»ne intermittent et propose mĂȘme une section Ă  destination des mĂ©decins traitants pour leur apprendre Ă  « dĂ©prescrire Â» les traitements liĂ©s au diabĂšte !

Si vous n’avez jamais lu de livre sur ces sujets, je vous le recommande absolument ! Son approche concrĂšte vous permettra de comprendre les fondamentaux du fonctionnement de votre mĂ©tabolisme. Il est d’ailleurs en bonne place dĂ©sormais dans ma liste des lectures de rĂ©fĂ©rence en matiĂšre de nutrition et de santĂ©, que je vous partage ici.

Et comme sa lecture m’a inspirĂ© quelques rĂ©flexions autour de la mĂ©decine actuelle et des a priori soulevĂ©s par l’alimentation cĂ©togĂšne, je lui ai demandĂ© si elle accepterait de rĂ©pondre Ă  quelques questions, ce qu’elle a fort gentiment acceptĂ© de faire.

Voici donc son interview :

SG : Vous Ă©voquez dans votre livre vos Ă©tudes de mĂ©decine et votre frustration face Ă  une approche systĂ©matiquement curative et mĂ©dicamenteuse. Pourquoi, selon vous, l’enseignement de la mĂ©decine moderne n’intĂšgre-t’il pas plus les aspects prĂ©ventifs et notamment la nutrition ?

Dr B-R : Je pense que la prĂ©vention n’a plus la cote en mĂ©decine dite « moderne » pour plusieurs raisons. PremiĂšrement, la prĂ©vention ne rapporte pas d’argent directement Ă  un organisme ou Ă  une entreprise qui serait ainsi motivĂ© Ă  en faire la promotion. La prĂ©vention incombe donc surtout aux gouvernements, qui doivent investir de l’argent sans nĂ©cessairement pouvoir compter sur un retour tangible de leur investissement Ă  court ou moyen terme. De ce fait, peu ou pratiquement pas de compagnie pharmaceutique ou autre organisme de formation mĂ©dicale continue n’investit en santĂ© prĂ©ventive, en formation continue. Ce n’est pas un sujet frĂ©quent lors des congrĂšs, disons. Parfois, on entend parler de rĂ©duction du tabagisme ou de la sĂ©dentaritĂ©. On entend surtout parler, en rĂ©alitĂ©, des nouveaux mĂ©dicaments et nouvelles avancĂ©es technologiques.

Je pense aussi que les mĂ©decins doivent voir de plus en plus de patients par journĂ©e de clinique. Si l’on n’a qu’une dizaine de minutes par patient, il est Ă©vident que notre approche thĂ©rapeutique sera axĂ©e davantage sur les mĂ©dicaments ou la rĂ©fĂ©rence vers un spĂ©cialiste que sur les habitudes de vie, dont l’alimentation. Cela demande beaucoup de temps lors d’une mĂȘme visite, mais il est habituellement essentiel de prĂ©voir plusieurs suivis rapprochĂ©s par la suite. Changer ses habitudes de vie demande du soutien de maniĂšre longitudinale. Chaque fois que j’aborde les habitudes de vie avec un patient et que ce patient dĂ©montre un intĂ©rĂȘt, je suis ravie
 et en mĂȘme temps je sais que je vais avoir au moins une heure de retard pour le reste de la journĂ©e!

Par ailleurs, les mĂ©decins nord-amĂ©ricains sont peu formĂ©s en nutrition, activitĂ©s physiques, sommeil, gestion de l’anxiĂ©tĂ©, etc. Peu se sentent vĂ©ritablement outillĂ©s pour bien conseiller leurs patients. Cela est particuliĂšrement vrai en nutrition. On nous a enseignĂ© qu’une personne en surpoids qui voulait retrouver un poids santĂ© n’avait tout simplement qu’à manger moins, bouger plus et rĂ©duire ses apports en lipides, c’est-Ă -dire adopter une alimentation faible en gras. Or, ces conseils ne fonctionnent pas pour la trĂšs grande majoritĂ©. Ils ne fonctionnent ni pour nos patients et ni pour nous-mĂȘmes! Plusieurs de mes collĂšgues n’abordent mĂȘme plus la question avec leurs patients car ils sont dĂ©couragĂ©s de voir si peu de succĂšs. Ils ont l’impression que les patients ne les Ă©coutent pas. Alors Ă  quoi bon se disent-ils. Mais c’est la nature des conseils qu’il faut remettre en question et non la volontĂ© des patients.

SG :  Votre ouvrage comporte un chapitre complet sur les mythes et les croyances liĂ©es au cĂ©togĂšne, pour autant de nombreux mĂ©decins opposent encore l’acidocĂ©tose, les maladies cardiovasculaires et le cholestĂ©rol aux patients qui Ă©voquent l’alimentation cĂ©togĂšne. Etes-vous optimiste sur l’évolution des connaissances et l’arrivĂ©e d’une nouvelle gĂ©nĂ©ration de mĂ©decins mieux formĂ©s Ă  ces sujets ?

Dr B-R : Je ne crois pas voir de sitĂŽt une nouvelle gĂ©nĂ©ration de mĂ©decins mieux formĂ©s sur ces sujets, car les facultĂ©s de mĂ©decine sont en gĂ©nĂ©ral des endroits trĂšs conservateurs. Comme il s’agit lĂ  de remettre en question et de changer le dogme qui prĂ©vaut depuis plusieurs dĂ©cennies, je crois qu’il faudra beaucoup de temps pour que les choses changent sur les bancs de l’école. De plus, il est probable, selon moi, qu’il faudra que la facultĂ© de nutrition accepte l’alimentation cĂ©togĂšne,  l’enseigne adĂ©quatement et remette en question une partie de ce qui est enseignĂ© actuellement, notamment que la meilleure alimentation pour tous est celle faible en gras, riche en glucides.

Cela dit, sur le terrain, je vois de plus en plus de mĂ©decins et autres professionnels de la santĂ© commencer Ă  s’intĂ©resser Ă  l’alimentation faible en glucides et l’alimentation cĂ©togĂšne. Plusieurs l’ont mĂȘme adoptĂ©e, pour eux-mĂȘmes et leur famille. J’en connais mĂȘme qui enseignent cela Ă  leurs rĂ©sidents ou Ă©tudiants en mĂ©decine en stage. C’est encourageant !

SG : L’alimentation cĂ©togĂšne est plus connue au Canada qu’en France –  mĂȘme si nous sommes nombreux Ă  travailler Ă  sa notoriĂ©tĂ© chaque jour. Qu’est ce qui a facilitĂ© et pourrait faciliter encore, selon vous, l’émergence de cette nouvelle alimentation au sein du grand public ?

Dr B-R : Je pense que si les nutritionnistes et diĂ©tĂ©ticiennes l’offraient comme option Ă  leurs clients ou patients et que cela Ă©tait proposĂ© systĂ©matiquement Ă  tous les patients prĂ©-diabĂ©tiques et diabĂ©tiques comme option thĂ©rapeutique parmi toutes les options qui existent, cela aiderait grandement. L’Association amĂ©ricaine du diabĂšte et l’Association europĂ©enne pour l’étude du diabĂšte ont publiĂ© un Ă©noncĂ© de position conjoint en octobre 2018 approuvant l’utilisation de l’alimentation faible en glucides (moins de 130 g par jour) comme option thĂ©rapeutique chez les diabĂ©tiques. DiabĂšte Canada a fait de mĂȘme en mai 2020, soulignant au passage que l’alimentation faible en glucides et l’alimentation trĂšs faible en glucides (cĂ©togĂšne) font partie des options thĂ©rapeutiques et devraient ĂȘtre offertes, et qu’elles pourraient mĂȘme s’avĂ©rer supĂ©rieures au traitement standard.

Je pense qu’une telle reconnaissance de la part de ces organismes est un Ă©norme pas dans la bonne direction, mĂȘme si la publication de la prise de position de DiabĂšte Canada, en pleine pandĂ©mie, n’a fait aucun bruit ici.

SG : Au plus fort de la crise sanitaire liĂ©e au CoVid,  j’ai pu constater personnellement un regain d’intĂ©rĂȘt pour la santĂ© mĂ©tabolique. Pensez-vous que cette crise contribuera Ă  une prise de conscience, tant au niveau du secteur mĂ©dical qu’au niveau du grand public, sur l’importance de la prĂ©vention ?

Possiblement. Mais chaque fois que je lis les nouvelles, je constate que l’on parle de vaccin, de mĂ©dicaments, de mesures de prĂ©vention de la propagation, mais rarement d’amĂ©lioration des facteurs de risque, dont plusieurs sont pourtant maintenant bien connus, face Ă  la COVID-19. Il y a des pays qui en parlent plus ouvertement, comme le Royaume-Uni, en particulier grĂące aux efforts du cardiologue Aseem Malhotra. Au QuĂ©bec, la SantĂ© publique et les gouvernements n’en parlent pas du tout. C’est dommage. Les gens ont besoin de savoir que l’obĂ©sitĂ©, l’hypertension artĂ©rielle et le diabĂšte de type 2, entre autres, sont des problĂšmes de santĂ© chronique qui fragilisent les individus et les mettent Ă  grand risque de prĂ©senter une forme grave ou mortelle de la COVID-19.

Mais les gens ont aussi besoin de savoir qu’il existe des solutions et qu’ils ne sont pas condamnĂ©s Ă  subir ces maladies chroniques toute leur vie. Qu’ont en commun ces problĂšmes de santĂ©? J’en parle abondamment dans mon livre Inverser le surpoids et le diabĂšte avec le protocole cĂ©togĂšne Reversa. Elles sont habituellement secondaires Ă  une sĂ©crĂ©tion trop abondante et trop frĂ©quente d’insuline, qui mĂšne Ă  une hyperinsulinĂ©mie et un rĂ©sistance Ă  l’insuline. À la base, cela provient de l’alimentation chez la majoritĂ© des gens : ils mangent trop de sucre, trop de glucides, sans nĂ©cessairement le savoir. La plupart de mes patients, par exemple, suivent les consignes et conseils qu’on leur donne depuis des dĂ©cennies : ils essayent de manger faible en gras (donc riche en glucides, par dĂ©faut) et de couper dans les calories. Ce n’est pas leur faute. Ces conseils n’étaient pas basĂ©s sur la science et se sont avĂ©rĂ©s catastrophiques pour la population dans son ensemble. On n’a jamais Ă©tĂ© si gros, et l’alimentation riche en glucides y est pour beaucoup.

Les gens doivent savoir qu’ils peuvent choisir de freiner ou mĂȘme inverser leur diabĂšte de type 2, de retrouver une tension artĂ©rielle normale et de perdre du poids de maniĂšre saine et durable. Je trouve cela dommage que cette information ne circule pas davantage, en particulier en cette pĂ©riode de pandĂ©mie oĂč il est rapidement devenu clair que ces problĂšmes sont des facteurs de risque importants.

Vous pouvez choisir d’amĂ©liorer votre santĂ© mĂ©tabolique aujourd’hui. Changer votre alimentation est la premiĂšre et la plus importante des Ă©tapes.

Retrouvez son livre : « Inverser le surpoids et le diabĂšte avec le protocole REVERSA » aux Éditions Thierry Souccar.

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